Louise : de l’art à la sexothérapie, créer sa propre voie
Aujourd’hui, Orenda raconte le parcours professionnel de Louise. Comme pour Flora, j’ai eu le plaisir de rencontrer Louise grâce au réseau d’entrepreneuses marseillaises Almaia. Justement, elle nous en parle, Louise, de l’importance des rencontres et des liens lorsqu’on est entrepreneur ! Et forcément, elle nous parle aussi de plaisir, d’intimité et de trouver sa place.
Vous avez dit reproduction sociale ?
Alors que la plupart des personnes entament leur reconversion professionnelle entre 35 et 45 ans, épuisées par un travail qui manque de sens, qu’elles ont choisi pour de mauvaises raisons, ou simplement parce qu’elles ont évolué, Louise n'a pas attendu aussi longtemps pour effectuer un virage à 180 degrés dans sa carrière. Elle a bifurqué tout de suite après son cursus universitaire.
Issue d’une famille d’artistes, elle commence « naturellement » par faire les Beaux-Arts, puis quitte Marseille pour Paris, afin de suivre des études d’histoire de l’art à la Sorbonne. Son ambition : aider les jeunes artistes à se développer.
« Je me disais que je préférais aider les artistes, travailler dans le marché de l’art, je voulais être au service des artistes. »
En Master 2, c’est la désillusion. La réalité du milieu de l'art se révèle plus sombre que ce qu'elle avait pu imaginer.
« Ça m’a dégoutée de voir comment fonctionnait le marché de l’art, c’est un monde de requins. C’est pas du tout POUR les artistes. Je n’ai pas eu le courage de me battre pour changer ce monde-là. Les gens veulent juste investir pour sécuriser leur avenir, pas pour l’amour de l’art. »
Comme beaucoup d’autres, la période de crise sanitaire précipite sa prise de décision, le temps disponible et les nouvelles contraintes la pousse à se questionner.
Confinement et introspection
« La période Covid m’a aidé à me poser les bonnes questions, à me demander ce que je voulais faire. Mon second mémoire portait sur l’histoire des femmes sculptrices, un sujet difficilement traitable sans avoir accès aux archives papier des bibliothèques. Celles-ci étant fermées, je me suis dit merde, j’arrête ! Et je suis rentrée à Marseille. »
Débute alors une période de réflexion pour celle qui avait choisi histoire de l’art pour aider les autres. Que faire maintenant ? Quelle voie choisir ?
« Pendant longtemps, je me suis dit que c’était ok d’avoir un travail alimentaire et une passion à côté. Parce que c’est ce que j’ai vu toute ma vie. Dans mon cercle social d’artistes, c’est souvent ce qu’il se passe. Et quand, à l’école, on disait : « trouvez un travail qui vous plait », je me disais « travail », « me plaire », mais ça ne va pas ensemble ! ». Je ne voulais pas faire un métier-passion, un métier qui nous plait, mais dans lequel on galère. Je voulais faire un travail rémunérateur, mais qui a du sens. »
Avec le temps, en suivant une thérapie et échangeant avec des amis, un chemin commence à se dessiner. La psycho peut-être ?
« J’ai toujours été la psy du groupe. Alors, je me suis dit qu’il y avait peut-être quelque chose à faire là-dedans. J’ai commencé à me renseigner. »
La voie à suivre
Freinée par les 5 ans d’études que demande une reconversion en tant que psychologue et par le type d’enseignement délivré par la fac, elle continue à réfléchir, à se questionner sur ses centres d’intérêts.
« Pendant mes études, j’ai beaucoup travaillé sur le corps et l’histoire, et sur la place de la femme. J’ai toujours été intéressée par le côté très social de “prendre sa place”. Et depuis longtemps, je suis très sensible aux notions d'intimité et de sexualité. »
C’était clair, la voie qui pourrait concilier psychologie, corps, sexualité et féminisme, c’était la sexologie.
« J’ai cherché une bonne formation en sexologie, mais je n’ai pas trouvé de formation qui soit assez pointue scientifiquement et psychologiquement, et qui intègre tous les individus sans discrimination. À l’époque, à la fac, il n’y avait qu’un DU de santé sexuelle qui n’était accessible qu’au personnel médical. Et puis, les formations sexo sont très hétéronormées. On est sur la valorisation du couple. On va parler des déviances sexuelles, dire par exemple que le BDSM c’est déviant, ils le mettent dans les troubles de la santé mentale, je trouve ça grave ! On va aussi avoir des praticiens qui disent des choses comme « Mettez-y un peu du vôtre madame, quand même ! ». Aux Etats-Unis et au Canada, c’est beaucoup plus moderne, on parle des différents types de sexualités, on parle du corps d’un point de vue spirituel. On n’est pas que sur le côté médical. »
Elle choisit finalement une formation d’un an, celle qui lui parait la plus intéressante.
« Je ne trouvais pas cela suffisant, alors je me suis fait ma formation en complément. Le matin je suivais la formation et l’après-midi je faisais mes propres recherches. Le fait d’avoir déjà une formation universitaire m’a aidé : je sais chercher, lire des études, je sais lire l’anglais. L’anglais est important, car la sexologie est née aux Etats-Unis dans les années 70. C’est là qu’on a commencé à travailler sur le plaisir féminin notamment. »
Louise fait crac-crac
Pendant ses études, elle crée le compte Instagram Louise fait crac-crac où elle parle de première(s) fois, de plaisir, de troubles sexuels, de consentement, de masturbation... et constate que son contenu parle aux gens, qu’il est utile.
À l’issu de sa formation, elle obtient ses premiers clients par ce réseau, mais aussi grâce à des rencontres et partenariats, comme celui avec l’association Solidarité Femmes 13.
« Aujourd’hui, j’ai des personnes qui viennent en séances parce qu’elles m’ont connue sur Insta, mais il n’y a pas que ça. Ce qui m’aide le plus, c’est que je fais énormément de choses. Je suis tout le temps dans les assos, dans les soirées, je me montre. Je réseaute beaucoup, je parle beaucoup de ce que je fais. Je trouve que c’est important de connecter avec des personnes qui sont dans des activités similaires. C’est un conseil que je donne à tous les entrepreneurs, toutes les personnes à leur compte : faites, bougez, montrez-vous et soyez fières de vous ! C’est en allant à des événements et en parlant de ce que je fais autour de moi que ça fonctionne pour moi. Et je le fais en étant qui je suis, en montrant ma personnalité. Si les gens viennent me voir, c’est aussi qu’ils sont ok avec qui je suis. »
Si le réseau, réel ou virtuel, aide beaucoup Louise à se faire une place dans le monde de la sexothérapie, elle ne veut pas faire « de l’abattage » de clients et se refuse à n’avoir qu’une seule étiquette. Son cœur de métier, c’est la sexualité, et ça se décline de plusieurs manières : à travers des séances, des ateliers, et une boutique aussi : Lytta.
« Je ne pourrais pas être comme ces thérapeutes qui enchainent les patients toute la journée, je trouve mon épanouissement dans plusieurs activités. Je travaille régulièrement à Lytta, une boutique aphrodisiaque, érotique et éthique à Marseille. Lytta, ce n’est pas qu’une boutique, c’est aussi un lieu où on fait des ateliers d’éducation sexuelle avec notre association « l’Ecole des Joies » : ce sont les cours qu’on aurait aimé avoir à l’école. On manque tellement de ce type de lieu en France, on est tellement en retard ! »
En septembre, elle lancera chez Lytta un corner lingerie éthique et inclusive : under crac-crac.
Être soi
Ce qui anime Louise, c’est de sortir des modèles qu’on nous impose et dans lesquels on ne se reconnait pas, c’est d’aider les autres à faire les choses pour soi, à comprendre ce dont ils ont envie, à travailler leur estime de soi et à déculpabiliser.
« Mon truc, c’est ni de vendre des sextoys, ni de vendre de la lingerie, ni de vendre des séances de sexo. Mon truc c’est de t’aider à trouver ce qui te fait le plus de bien. On t’a dit de venir consulter une sexologue ? Ne viens pas. Il faut faire les choses pour soi, pas pour l’autre. Je ne suis pas non plus une influenceuse sexo qui fait la promotion de sextoys sans vérifier la sécurité du produit, l'inclusivité et l'éthique de la marque. Je ne veux pas vendre à tout prix, si tu viens dans la boutique, je vais essayer de te trouver quelque chose pour toi, et je ne vais pas te dire que ce sextoy va changer ta vie. Pour la lingerie c’est pareil, c’est revenir à soi. Si tu te sens bien dans ton corps, avec des choses qui sont adaptées à ta morphologie, qui te ressemblent, tu peux te trouver sexy. »
Pour discuter ou prendre RDV avec Louise : www.louise-briot-sexo.com et sur Insta @louise.fait.craccrac 🖤
Et si, comme elle, vous souhaitez devenir sexologue/sexothérapeute, Louise vous conseille de jeter un oeil au post Insta de sa consœur Gwen Ecalle.
Le message de Louise aux lecteurs d’Orenda Raconte
« Se poser des questions, c’est le meilleur moyen de trouver des réponses ! Quand tu te poses la question, c’est que t’es prêt.e a y aller ! Il faut s’écouter, travailler sur soi. Se demander pourquoi on en est là. Le pourquoi t’aide à comprendre : pourquoi j’ai suivi cette voie ? Pourquoi ça m’a parlé ? Tu peux te reconvertir professionnellement, en adaptant un métier à toi, à qui tu es, à ton rythme de vie. »
Les livres « déclic » de Louise
📚 Je jouis comme je suis, d’Emily Nagoski : « pour moi, c’est le meilleur livre sur la sexo. Je me sens proche de sa pratique. C’est le livre qui m’a le plus marquée. »
📚 Désirer à tout prix, de Tal Madesta : « C’est un essai plein d'intelligence et de réflexions très bien amenées sur le désir : la place qu'on lui donne dans la société, comment il nous influence... Tal Madesta nous ouvre les yeux sans prendre de pincettes (et on en a besoin) sur l'impact des normes dans nos vies. C’est un livre précis, sourcé, et qui fait réfléchir sur soi, l'autre et la société dans laquelle on évolue. »
📚 Le soleil et ses fleurs, recueil de poèmes de Rupi Kaur : « C'est un choix particulier de proposer de la poésie, pourtant c'est ce dont nous avons besoin en ce moment. On ne peut pas lire tout d'un seul tenant. La pause s'impose, de par le format du poème, mais aussi par la sensibilité de ses écrits. Aussi doux et violent qu'un humain puisse être, les poèmes du Rupi Kaur marqueront quiconque les lira. »